Le cercle centriste de réflexion et de propositions sur les enjeux internationaux

Entretien avec Joseph Bahout : « En Syrie, ne concédons pas au « Poutinisme » international qu’il a gagné la bataille des idées »

Propos recueillis par Pierre-André Hervé, le 19 septembre 2017

Né en 1963 au Liban, Joseph Bahout est enseignant-chercheur en sciences politiques, spécialiste du Moyen-Orient. Diplômé de l’American University of Beirut (AUB) et de l’Institut d’études politiques de Paris (Sciences Po), où il a obtenu son Doctorat en sciences politiques en 2010, il a d’abord enseigné la sociologie politique et les relations Internationales à l’Université Saint-Joseph de Beyrouth (1993-2005), et a été chercheur au Centre d’études et de recherches sur le Moyen-Orient contemporain (CERMOC), à Beyrouth (1992-2000). Installé ensuite en France, Joseph Bahout a été professeur du Moyen-Orient contemporain à Sciences Po (2005-2014), Chargé de mission à l’Académie diplomatique internationale (ADI), et Consultant Permanent auprès de la Direction de la Prospective du ministère français des Affaires étrangères (2008-2015). Il s’est finalement expatrié aux Etats-Unis, où il est actuellement Chercheur au Carnegie Endowment for International Peace, et Associé au Crown Center for Middle-East Studies de Brandeis University. Il est par ailleurs non-resident Associate Fellow du Geneva Center for Security Policy (GCSP) , et siège au Conseil Scientifique de l’Institut Français du Proche-Orient (IFPO) . Il est auteur de deux ouvrages sur la Syrie et le Liban, ainsi que de plusieurs articles et chapitres sur le Moyen-Orient. Il travaille actuellement sur un livre portant sur l’après-guerre au Liban, la reconstruction politique, et les relations libano-syriennes.

En plus de ses activités académiques, il a eu au Liban des occupations politiques et militantes, au sein de plusieurs associations et mouvements promouvant la démocratie électorale et le dialogue islamo-chrétien. Il a ainsi co-fondé et milité au sein du Mouvement du renouveau démocratique, un parti politique d’inspiration centriste et réformiste, et au sein de l’Association libanaise pour la démocratie électorale (dont il a été le SG), et a été membre actif du Comité libanais pour le dialogue islamo-chrétien. Il a aussi été conseiller du Ministre de la culture pour la Francophonie en 2000-2002.

Invité par le Cercle Agénor, il livre ici son sentiment sur la Syrie, le monde arabe, la politique arabe de la France. Il dresse un constat très amer, critique, s’insurge contre la « démission intellectuelle » d’une partie de nos élites face au « Poutinisme » international, mais il esquisse aussi quelques pistes d’actions, de solutions, à court et long terme, qui ne manqueront pas de susciter le débat.


Monsieur Bahout, vous incarnez une certaine figure de l’intellectuel engagé. Vous êtes un expert reconnu du Moyen-Orient, rattaché à un prestigieux think tank américain, et dans le même temps vous n’hésitez pas à vous engager dans le débat public relatif à cette région. Quels sont les ressorts de cet engagement ? Pouvez-vous nous présenter en quelques mots les raisons et l’histoire de votre engagement ?

J’ai au moins deux vies physiques et nationales, libanaise et française, et plusieurs vies professionnelles et intellectuelles. J’ai passé ma vie à osciller entre l’action et la réflexion, la pratique et la théorie, j’ai été à la fois enseignant-chercheur et très activiste au Liban. J’y ai même fait de la politique, j’ai été conseiller parlementaire, je me suis présenté à des élections, j’ai fondé un parti, puis j’en suis sorti et suis revenu dans mon antre d’études. J’ai aussi oscillé entre deux mondes, entre le Liban, qui m’a formé, informé et déformé, et la France, où j’ai beaucoup appris.

Si je devais me résumer en un mot, je dirais que je suis très fortement un enfant de la guerre. J’avais 11-12 ans quand la guerre a commencé, très vite j’ai eu des interrogations sur la violence, son origine, comment vivre ensemble, comment organiser les différences, qu’est ce qui fait qu’on dit « nous », et comment on dit « nous ». Très vite, j’ai su que je travaillerais sur ces sujets. En parallèle à cela, pour des raisons familiales, sociologiques, scolaires, j’avais toujours un œil sur ce qui se passait en Europe, essentiellement en France. Sans avoir voyagé en Europe, je lisais Le Nouvel Observateur, la revue Esprit, j’ai peu à peu découvert le monde de la social-démocratie, le socialisme scandinave. Il y a ces deux chemins. D’un côté, j’étais en plein dans la guerre au Liban, avec toutes ses saletés, ses vicissitudes et parfois des détails dont personne n’est capable de comprendre quoi que ce soit, et en même temps je lisais. C’est cela qui a fabriqué mon imaginaire.

Au Liban, pendant la guerre, ma génération, surtout celle qui vivait à Beyrouth-Est, c’est à dire la partie chrétienne de Beyrouth, souffrait d’un cloisonnement intellectuel et politique très fort, essentiellement autour de la Droite chrétienne. A l’Ouest au contraire, au moins jusqu’en 1987-1988, il y avait une très forte diversité idéologique, des partis de Gauche, des partis islamistes, des partis nationalistes arabes, on pouvait, en quelque sorte, y faire son marché intellectuel. Du fait de ce cloisonnement, j’ai mis du temps à découvrir autre chose. Les gens comme moi ont beaucoup oscillé entre plusieurs courants, il est donc très difficile de dire ce qu’on était au Liban. J’ai eu une période très souverainiste, une autre très dialoguiste, une période plutôt gauchiste. Alors qu’en France, c’était beaucoup plus homogène, je savais très bien qui j’étais. J’ai pris le train En Marche, mais originellement j’ai flirté avec la Gauche sociale-démocrate, j’ai été au PS pendant quelques temps, dans son aile « droite », j’étais Rocardien. Je suis le produit de mon éducation, de mon milieu d’origine, surtout libanais, très attiré par la Gauche chrétienne, c’est à dire le christianisme social, j’ai été élève des Jésuites. J’ai donc naturellement aussi toujours été intéressé par ce que faisaient des gens dans cette mouvance, comme François Bayrou.

En dépit de votre installation aux Etats-Unis, vous êtes, en effet, resté un observateur engagé de la scène politique française. Au printemps 2017, pendant la campagne présidentielle, vous avez soutenu la candidature d’Emmanuel Macron. En quoi sa candidature et notamment son positionnement international vous ont-ils séduit, en soi et en comparaison aux autres candidatures en lice ?

Je suis une peu en rupture de ban avec la politique en France, j’ai arrêté de militer activement dans les années 2007-2008, j’étais alors proche du PS. Ca ne m’intéressait plus et je pensais que je ne referais plus de politique, que j’en faisais de toute façon par mon métier. Je n’en faisais déjà plus au Liban parce que j’ai eu beaucoup de désillusions, de déconvenues, j’ai perdu des amis. Je pensais privilégier ma carrière professionnelle et ma vie personnelle. En même temps, je sais que la France va mal et cela me fait mal car c’est un pays que j’ai adopté autant qu’il m’a adopté, auquel je dois énormément. Quand il y a eu le moment Macron, de façon assez spontanée, j’ai été très excité, authentiquement, en me disant que c’est une chance pour ce pays de se redresser, de sursauter, de retrouver un peu de sel, pour parler comme le Président lui-même. Je savais que sur l’international il ne fallait pas en attendre monts et merveilles. Emmanuel Macron est assez inexpérimenté sur ces sujets, y a peu réfléchi du fait de sa formation. Il est peut-être attiré par une sorte de retour à un réalisme un peu frileux même si en parallèle il y a dans ses discours de grands élans qui sont très excitants, sur les valeurs de l’Occident, le Monde libre, qui me parlent. Et puis, vu l’offre politique, il fallait à tout prix éviter François Fillon et Marine Le Pen, entre autres pour des raisons syriennes et levantines.

Ces raisons syriennes et levantines vous ont pourtant conduit à émettre des critiques au sujet de la politique étrangère esquissée par Emmanuel Macron peu après sa victoire, en co-signant notamment, avec d’autres éminents spécialistes de la Syrie, une tribune à charge dans Libération début juillet 20171. Pouvez-vous nous expliquer ce basculement ?

Plusieurs choses nous ont irrité, mes camarades signataires et moi, dans les propos tenus par le Président lors de son grand entretien avec la presse européenne en juin dernier2. Tout d’abord il s’est arrogé un aggiornamento de la politique française vis-à-vis de la Syrie qui avait déjà eu lieu. François Hollande, de façon réaliste, avait cessé de dire « il faut que Bachar parte », il avait compris que la réalité était que Bachar ne partirait pas tout de suite mais qu’il devra partir à un moment donné, même si c’est dans… trente ans. Je comprends qu’un président ait envie de marquer le coup, se démarquer de son prédécesseur, mais s’arroger cet aggiornamento avec un air de bravache était un peu fort. D’autant plus pour nous qu’il pointait en creux une erreur que nous aurions commise. J’ai moi-même travaillé avec le Centre d’Analyse et de Prévision du ministère des Affaires étrangères sous les présidences Sarkozy et Hollande, et je ne crois pas que nous étions dans l’erreur. On s’est trompé sur la suite des choses mais analytiquement nous n’étions pas dans l’erreur. Par ailleurs, il est clair qu’il n’est pas question de demander le départ de Bachar el-Assad avant de s’assoir à la table des négociations, sinon il n’y aurait pas de table de négociations.

Avant l’élection présidentielle, tout le monde savait qu’il y aurait un aggiornamento, et c’est normal, un nouveau président profite de son élection pour changer de registre. Mais à la lecture de cet entretien, mon étonnement était d’autant plus grand que le candidat Emmanuel Macron, par le biais de l’un de ses conseillers diplomatiques de campagne, avait rédigé un long document de réponse à l’opposition syrienne en France, qui a été publié3, répondant à plusieurs questions sur les lignes rouges qu’on ne dépasserait pas, document qui avait été très clair sur certaines choses : Bachar el-Assad est un criminel de guerre et il sera jugé, la France continuera à soutenir l’opposition, etc. Il y avait donc aussi une trahison par rapport à ce document, qui m’avait, entre autres, permis de faire campagne pour Emmanuel Macron dans des milieux qui n’étaient pas tous acquis au « Macronisme », j’ai mis un peu de mon crédit dans cette affaire, notamment auprès de Syriens.

Ce qui était aussi insupportable pour nous, c’était d’annoncer cet aggiornamento dans le cadre intellectuel général de liquidation d’un certain néoconservatisme français. Nous avions fait une autre tribune à ce sujet4. De notre point de vue, il n’y a jamais eu de néoconservatisme français. D’autre part, il est paradoxal d’annoncer que l’on veut liquider le legs néoconservateur français et en même temps de dire que son job est de liquider des terroristes. Le « Bushisme » n’était pas autre chose ! Il ne faut pas nous vendre un non-néoconservatisme pour ce qu’il n’est pas.

Surtout, ce qui m’avait hérissé, dans la forme et dans le fond, c’était une phrase prononcée par le Président au sujet de Bachar el-Assad : « on ne m’a pas présenté son successeur légitime ». Tout d’abord, ce n’est pas à vous, Monsieur le Président, que l’on doit le présenter, mais au peuple syrien. Ensuite, ce n’est pas vrai. Le Président prononce ces mots alors qu’il vient de recevoir, quelques jours auparavant, Riad Hijab, l’un des cadres de l’opposition syrienne, alors qu’il y a des opposants syriens notoires à Paris, alors que la France soutient officiellement la Coalition Nationale Syrienne, principale plateforme d’opposition… En outre, dire que la destitution de Bachar n’est pas un préalable « à tout » parce qu’on ne lui a pas présenté de successeur légitime, cela sous-entend que Bachar peut rester parce qu’il a tué tous ses successeurs légitimes. C’était une sorte de légitimation a posteriori de l’horreur. C’est ça notre casus belli !

Une autre chose intolérable, plus profonde, plus importante encore, car elle relève d’un récit et plus seulement de l’action politique, est la reprise du récit que Bachar el-Assad veut faire gagner depuis le début de la guerre, selon lequel la Syrie est un problème de contre-terrorisme. Il est navrant de voir ainsi toute la question de cet énorme soubresaut dans le monde arabe, de choses qui sommeillent depuis quarante ans, sur lesquels on a écrit tant de rapports et de livres, réduite à l’idée que si les régimes autoritaires tombent, des voitures piégées vont exploser. Si même la France s’y met, c’est très pauvre, autant arrêter de dire qu’il existe une politique arabe de la France et faisons comme les pays qui n’ont pas de politique étrangère, de la gestion à la petite semaine. Au fond, ce récit concédait au « Poutinisme » international qu’il avait gagné la bataille des idées. Qu’il ait gagné sur le terrain, soit. Il y a eu un rapport de forces, on n’a pas fait ce qu’il fallait, l’adversaire était plus fort, plus futé, on a perdu, admettons-le. Mais perdre la bataille des idées c’est autre chose. On peut admettre que Bachar ait gagné sur le terrain mais on n’est pas obligé de concéder qu’il ait gagné conceptuellement. C’est à dire qu’il ait gagné dans son argumentaire qui dès le premier jour, alors qu’il n’y avait rien encore en Syrie, consistait à dire qu’il n’y a que des barbus et, vous verrez, ça va exploser. Venir en 2017 lui donner raison pour ce qu’il a dit en 2011, alors qu’il a tout fait pour avoir raison, y compris brûler son pays, me semble être une démission intellectuelle.

Pour des gens comme moi, de ma génération, avec des expériences libanaises ou levantines aussi fortes, l’ouverture du cycle des révolutions arabes en 2010-2011 a été vécue comme une énorme ouverture. Je pense que c’est un évènement cataclysmique, comparable à la Nahda de la fin du XIXème siècle, au grand bouleversement de l’après-Première Guerre mondiale, et peut-être au contre-coup de 1967-1968, c’est à dire les grands moments de rupture dans la pensée politique arabe. C’est pour ça que des gens comme moi étaient très hérissés par l’approche extrêmement étroite, très sécuritaire, que peuvent avoir des gens autour du Président. Pour nous, réduire tout ça à cela, c’était passer à côté de quelque chose d’énorme, une chance historique énorme. Cette chance est certes aujourd’hui complètement obstruée par une horreur absolue, Daech, mais ne pas voir ce qu’il y a derrière, s’arrêter à l’arbre, c’était pour nous incompréhensible, surtout de la part de gens qui nous semblaient supérieurement intelligents. Il y a avait une grande frustration à voir cette incapacité à penser la chose autrement qu’à travers une sorte de réalisme très vulgaire au fond : il faut parler avec les tyrans, c’est comme ça, ce « Védrino-Villepinisme »… Je fais partie d’une énorme génération, d’un énorme groupe social, qui n’a pas quitté cette région uniquement pour des raisons professionnelles ou alimentaires, mais parce que nous sentions que ce monde-là n’était plus capable de nous porter, de nous satisfaire, on étouffait ! Donc quand il y a eu ce moment de rupture, de cassure, de ras-le-bol, on s’est dit qu’enfin les choses allaient peut-être changer et on s’est rendu compte que nos partenaires occidentaux n’ont rien compris et nous ont trahi. C’est le sens de l’amertume que beaucoup de gens comme moi ont aujourd’hui. Je ne peux plus supporter cette hypocrisie dans le discours intellectuel et politique occidental quand je relis les textes des années 2008-2010, les rapports européens, selon lesquels il faut que les sociétés civiles arabes bougent, ce monde est ossifié, enfermé dans ses autoritarismes, et au moment où ça bouge on court, on dit qu’il faut tout remettre en place, remettre le couvercle parce qu’il y a des barbus. Ce ne sont pas 40 000 barbus sur 250 millions de personnes qui vont décider de l’avenir de la région. Je ne minimise pas le danger mais il n’y a pas que ça, et ne pas l’avoir compris c’est n’avoir rien compris à l’histoire de cette région, à ce qui se passe dans cette région depuis 40 ans. On nous ressert des vieilles rengaines, la politique arabe de la France. Mais quelle est-elle cette politique ? Parler avec les dictateurs ? On considère que Moubarak c’est le peuple égyptien, que Assad c’est le peuple syrien ? C’est faire fi de toute une complexité sociale, ce qui à la fois est très frustrant pour l’analyste et insultant pour le citoyen d’origine que je suis. C’est à double titre une provocation qui ne pouvait pas me laisser froid.

On peut s’entendre sur le constat, celui d’une forme de terrorisme d’Etat pratiqué par plusieurs Etats du Moyen-Orient, en particulier le régime syrien, qui est négligé par nos dirigeants au profit de la lutte contre le terrorisme islamiste. Cependant, devant la perpétuation du conflit syrien, face à la résilience des régimes autoritaires et la complexité des rapports de forces et d’intérêts, ne faut-il pas revoir notre stratégie ? La défense des droits de l’Homme peut-elle encore être au cœur de notre politique arabe ?

L’appel au réalisme n’est pas idiot. On peut concéder qu’il faille s’accommoder de la réalité au niveau politique, mais il faut là-aussi mettre des limites, des gardes-fous. Vous savez, un régime qui résiste malgré toutes ses turpitudes, ça existe. Prenons l’exemple de Saddam Hussein en Irak. Entre 1991 et 2003, il était là, ne cherchait pas à tuer, on ne lui parlait pas beaucoup, on ne l’invitait pas au défilé du 14 juillet. Il y a Omar el-Béchir au Soudan, il y a beaucoup de dictateurs dans le monde qui sont ostracisés. On peut continuer à vivre avec Bachar el-Assad comme ça, on peut aller un peu plus loin, rouvrir l’ambassade, pourquoi pas ? Mais de là à dire, au fond, « personne n’a gagné dans cette guerre, tout le monde va s’embrasser puis on va mettre de l’argent et reconstruire la dictature et les normes de l’univers carcéral assadien avec nos deniers », alors que ce sont les Russes et les Iraniens qui ont détruit le pays, la pilule est un peu grosse. Je comprends qu’il y ait du réalisme et ne doute pas de la capacité des techniciens à trouver des solutions qui laisseront un semblant d’âme à la France tout en s’accommodant de la réalité. Mais ce qu’il ne faut pas concéder concerne le récit, la pensée. Personne ne peut, ne doit, nous forcer à dire « ce n’était pas une révolution », « depuis le début, au fond, les deux camps étaient équivalents », c’est conceptuellement faux et ce serait du révisionnisme historique, ça c’est inacceptable. Ce serait concéder sur ce que l’on est. Même Bachar el-Assad ne veut pas qu’on lui donne raison là-dessus, il est suffisamment cynique, il sait qu’il est un salaud, son régime, tout comme d’autres dans le monde arabe, a toujours fonctionné avec le monde occidental en sachant que les autres savent qu’ils sont des salauds. Il ne va pas nous demander de dire des choses gentilles sur le lui. Se faire nous-mêmes volontaires pour dire des choses gentilles sur lui, c’est concéder sur le récit, concéder que le « paradigme Poutinien » était le vrai, que dans cette région, tout mouvement social est équivalent au terrorisme, que toute révolte populaire conduit à l’islamisme et la radicalisation, que seuls les régimes autoritaires sont des garants de la stabilité et de la paix. Ca il ne faut pas le concéder. Il faut continuer à tenir ferme sur notre discours.

Pour des raisons intellectuelles, « prophylactiques », il faut continuer à raconter l’histoire, continuer à dire comment ça a commencé, comment ça a évolué. Ce qui est intéressant politiquement car cela a des conséquences sur notre action, c’est de bien voir comment ce dévoiement de la révolution est l’œuvre directe, consciente, acharnée, volontaire, sérieuse, du régime lui-même. En mai 2011, dans une interview au New York Times, Rami Makhlouf [richissime homme d’affaires syrien, cousin de Bachar el-Assad], affirmait que l’opposition allait s’islamiser, s’armer, se régionaliser. Ce n’était pas une analyse mais une menace. Cela nous aide dans le premier volet politique, c’est à dire à toujours savoir à qui l’on à affaire. Oui on parlera au régime, mais sans jamais se faire d’illusion sur notre capacité à « dealer » avec lui. C’est un deal de mafieux. Oublier cela c’est déjà faire gagner le régime politiquement. Le récit est important, non pas parce qu’il nous donne raison ou bonne conscience, mais parce qu’il nous aide politiquement. On ira voir Bachar en le regardant dans les yeux, en lui disant : « on sait que c’est toi qui a créé les islamistes, on sait que maintenant on va traiter avec toi parce qu’on n’a pas le choix, mais ne pense pas que tu nous bernes, que tu va nous avoir à l’usure, car on sait, on n’oubliera jamais, on sait que tu le referas encore ». Il l’a fait d’ailleurs ces dernières semaines en aidant un convoi de Daech à sortir du Liban pour aller en Irak, exactement ce qu’il faisait en 2003. Quand il sait qu’on sait, il ne peut plus nous raconter d’histoires, il sait que ça va être un marché de requins. Le jour où il sent que nous sommes dans une naïveté béotienne, alors il nous fera encore avaler des choses. Il est donc très important, politiquement, de rappeler l’instrumentalisation par le régime de toute cette histoire, que l’on n’en est pas dupe. On a admis aujourd’hui la réalité, car il y a un rapport de forces, pistolet « Poutinien » sur la tempe. Mais on n’a pas oublié d’où ça vient et ça fait une énorme différence. Il y a une différence entre, d’un côté, rouvrir une ambassade à Damas et aller voir Bachar el-Assad en lui disant « on sait très bien que vous avez instrumentalisé toute cette affaire, que vous avez gagné en l’instrumentalisant, maintenant parlons mano a mano », ou, de l’autre, lui dire « heureusement que tu en as réchappé, ça allait être Kandahar à Damas ».

J’ajoute – cela me tient à cœur – que les gens comme moi sont attaqués car nous n’aurions rien vu venir, croyant que Bachar el-Assad allait chuter en 2012, or ce n’est pas vrai. Quand Alain Juppé, alors ministre des Affaires étrangères de Nicolas Sarkozy, a dit que Bachar était fini, que sa chute n’était plus qu’une question de temps, nous avons produit plusieurs notes pour le Conseil d’Analyse et de Prévision du Quai d’Orsay, qui disaient le contraire, que la crise allait durer longtemps. Je suis intervenu bien des fois publiquement pour dire que le régime pouvait survivre et que si Bachar ne tombait pas dans les 6 mois, la guerre allait durer cinq ans et probablement ne s’achèverait jamais vraiment. Nous disions finalement la même chose que ceux qui nous critiquent. La différence fondamentale c’est que nous disions que ça ne devait pas se passer comme cela, alors qu’eux y voyaient une réalité indépassable. On peut tous être très solides sur l’analyse mais nos choix politiques ne découlent pas forcément de l’analyse. Dire « il fait mauvais » ne veut pas dire « j’aime la pluie ». De même, dire « les mauvais ont gagné en Syrie » ne veut pas dire « je suis avec les mauvais ». Ce chantage intellectuel horrible ne m’impressionne pas, on ne s’est pas trompé, je referais les mêmes préconisations, en étant même sans doute plus brutal. Aujourd’hui, je le dis clairement, il fallait en finir en 2013.

Face à des acteurs si cyniques, qui semblent incapables du moindre compromis, comment peut-on se comporter ? Doit-on nous-mêmes adopter une position de cynique ?

Il fallait adopter une position de realpolitik, c’est à dire jouer le même jeu que le régime et ses alliés, user parfois de la brutalité aussi.

En 2013, la « ligne rouge » de l’utilisation des armes chimiques a été franchie et, contre toute attente, le président américain Barack Obama, qui avait lui-même fixé cette « ligne rouge », a décidé de ne pas intervenir contre le régime. C’est le passé. Aujourd’hui, alors que la non-intervention occidentale a conduit à une surenchère des autres acteurs, quelle politique un minimum efficace la France peut-elle mettre en œuvre, avec pour objectifs non seulement la défense de nos valeurs mais aussi la recherche d’une paix et d’une stabilité ?

Attention à cette idée de recherche de la paix, car il y a des paix de cimetière aussi, et c’est ce vers quoi on se dirige.

Mais avant de répondre précisément à cette question, permettez-moi d’évoquer un sujet connexe. Il y a des formules diplomatiques qui deviennent des leitmotivs, qu’on répète un peu comme des perroquets sans beaucoup réfléchir, par exemple : « Il n’y a pas de solution militaire en Syrie, il n’y aura qu’une solution politique ». Lavrov, Kerry, Fabius, tout le monde a répété cela. Mais quelles sont en Syrie les parties au conflit qui croient à la solution militaire ? Le régime, les Russes et les Iraniens ! Que se passe t-il aujourd’hui ? Le régime est en train de gagner par solution militaire. Il prend Deir-ez-Zor, on lui dit « tu ne franchis pas l’Euphrate », il le franchit et personne ne réagit. Il nous enferme dans un récit sur l’absence de solution militaire mais lui travaille à la solution militaire tous les jours, toutes les heures. Et nous continuons de répéter la même chose : « d’accord, il n’y a qu’une solution politique »… Faisons la même chose ! Nous aurions pu faire la même chose que lui, en 2012, en 2013, en 2015, pas seulement en frappant après les attaques chimiques mais en construisant une véritable opposition armée et politique, en construisant un système d’alliances. Les gens se demandent pourquoi les Saoudiens, les Qataris et les Turcs ont tellement pollué le dossier syrien en l’islamisant. Je vous donne la réponse simplement : parce qu’il n’y avait pas de chef d’orchestre américain et occidental. Ils ne savaient pas faire autre chose alors ils l’ont fait. Mais s’il y avait eu un groupe occidental de personnes de même sensibilité, Français, Allemands, Américains, etc., dans une chambre d’opération en train de dire « attention, ne donne pas d’armes à ce groupe-là mais plutôt à celui-là », « on vous donne des Stinger mais à condition que… », on n’en serait pas là aujourd’hui ! On nous dit « c’est facile de dire ça aujourd’hui mais c’est de la fiction », ce n’est pas vrai, l’histoire, à d’autres endroits, montre qu’on a pu changer le rapport de forces.

Il faut bien faire comprendre à Vladimir Poutine qu’il a gagné parce qu’il a mis en œuvre une solution militaire. La solution politique qu’il nous impose aujourd’hui n’est que la légitimation, la justification ou le couronnement de sa solution militaire. Il nous appelle à Astana et Genève en nous disant « j’ai gagné, venez signer ». On va signer parce qu’on n’a pas le choix, pas de leadership, etc. Mais il ne faut pas tout concéder. Je pense qu’il faut continuer à tenir, sans bouger d’un iota au niveau discursif même si on négocie sous la table, au référentiel de Genève. J’utilise toujours avec mes amis syriens l’exemple du conflit israélo-arabe : Yasser Arafat a été génial car malgré toutes les concessions qu’il a faites, il a continué à tenir à la référence de la résolution 242 de 1967. S’il était sorti de ce cadre, c’était fini, le rapport de forces l’aurait écrasé. En s’agrippant au référentiel textuel, même s’il était complètement dépassé, il disposait d’une base de négociation, acceptant seulement de bouger à la marge. De même, tant que l’on colle à la résolution 2254 (2015) et à l’accord de Genève (2012), qui prévoient une transition agréée par les deux parties, menant à une Syrie démocratique, sans Bachar el-Assad à l’issue du processus, on peut bouger, dire que sa sortie n’est pas prévue avant 20 ans si l’on veut ou si on ne peut pas faire autrement, parler de conseil militaire transitoire, de Syrie fédéralisée pendant un moment, tout ce qu’on veut, mais en même temps on reste dans un entonnoir formel ferme.

Aujourd’hui, Emmanuel Macron dit qu’il veut constituer une groupe de contact. Soit, mais je dis attention ! Si il pense constituer un doublon par rapport à Genève, il y a un risque. Si on tue Genève, on fait gagner les Russes car ils veulent tuer Genève et le remplacer par Astana. Les Russes vont certainement nous laisser faire notre groupe de contact, ça va faire une belle photo qui fera effet deux semaines puis le groupe va exploser de lui-même car les Saoudiens et les Iraniens ne vont pas se parler et les Russes vont dire « il n’y a plus sur le marché que notre initiative, venez à Astana ». Il y a un vrai risque de se faire avoir de la sorte.

Un autre outil, qui était évoqué de façon intéressante dans le document envoyé par l’équipe de campagne de Macron à l’opposition syrienne, est la carte juridique. On peut dire, certes Bachar el-Assad est au pouvoir, mais il traîne tout un dossier judiciaire. Et c’est là où « l’affaire Carla Del Ponte » est intéressante. Malgré tout ce qu’on peut reprocher à François Hollande, sous sa présidence, la France a été irréprochable sur ce plan-là, avec la constitution du dossier César par exemple. La France a été irréprochable à l’ONU, et je sais combien les Syriens nous gratifient de cela. Les cadres de l’opposition que je peux rencontrer me disent tous, et ce n’est pas parce que je suis Français, que la France a été le seul pays qui les a soutenu inconditionnellement et sans aucune arrière-pensée. C’est le pays qui a écouté César et lui a donné une exposition. C’est aussi le pays qui a parlé des crimes de guerre russes. Jean-Marc Ayrault a fait un discours à l’ONU, il y a six mois, sur les crimes de guerre à Alep. On oublie cela alors que ce sont des moments glorieux pour la France. Il faut y tenir. Je ne dis pas qu’il faille aller insulter Vladimir Poutine tous les jours mais il faut dire les choses. Prenons un exemple, aujourd’hui il y a eu la destruction d’un hôpital à Idlib, personne n’en parle, alors que sous la présidence de Hollande, l’ambassadeur de France à l’ONU, François Delattre, en aurait parlé. Je pense que c’est une erreur. Ca ne veut pas dire qu’on torpille les efforts de paix, mais au contraire on s’assure qu’il s’agit d’efforts de paix, pas de reddition. Ces gardes-fous nous aideront à vivre avec la réalité. Je veux aussi parler d’un sujet qui prend de l’ampleur, celui de la reconstruction. Un rapport extrêmement irritant vient d’être publié par l’European Council on Foreign Relations (ECFR), selon lequel il faut aller reconstruire les zones tenues par le régime pour les stabiliser et avoir un levier contre Assad. Or on fait cela depuis 1985 avec les Syriens : on leur donne de l’argent pour les amadouer, ils prennent l’argent et des otages. Il faut arrêter d’être naïfs. Les Américains, les Iraniens, les Russes, tout le monde sait que l’argent de la reconstruction est à Bruxelles. La Syrie a besoin de 300 milliards de dollars. Les Golfiens vont mettre très peu d’argent tant que Bachar est là. Les Européens vont quant à eux accepter d’y aller pour récupérer des contrats et habiller cela sous l’argument « we engage the regime to change its behaviour ». Non ! Il faut dire au régime que chaque euro est conditionné par une démarche politique, la libération de prisonniers politiques, l’ouverture de l’espace médiatique, l’organisation d’élections municipales et législatives observées par l’ONU, etc. On peut faire beaucoup de choses.

Est-ce que le régime est prêt à de telles concessions ?

Il fera au moins un service minimum. C’est aussi une façon de lui dire « on ne te croit plus ». Quand la Haute-Représentante de l’Union européenne pour les affaires étrangères Federica Mogherini lui dit, il y a sept-huit moins, à l’occasion d’une conférence à Bruxelles, que 10 milliards d’euros l’attendent, il se dit qu’il ne pensait pas avoir d’adversaires aussi faciles ; pour preuve, c’est une semaine après cette réunion qu’il opère l’attaque chimique de Khan-Shaykhoun ! Il s’était simplement senti sécurisé par la démarche européenne, alors que nous pensions dans un sens tout à fait opposé ! Il y a des conditionnalités à exiger. Pourquoi vouloir être plus royaliste que le roi ? Même les Américains, qui courent vers Assad, disent qu’il n’aura pas un sou. Au nom de quoi le ferions-nous ? Bachar el-Assad va ouvrir un chantage sur la question des réfugiés : « je ramène des réfugiés, mais à condition que vous me considériez comme le pouvoir légitime, que vous rouvriez vos ambassades ». Il s’agira là aussi de tenir bon, et de dire que le retour des réfugiés est une question multilatérale, qui passera par les agences de l’ONU, et qui sera liée à la transition politique.

Ce qui m’avait aussi déplu chez Emmanuel Macron, c’est qu’il a failli concéder, au fond, les leviers que la France et l’Europe avaient vis-à-vis de la Russie. Nous avions deux leviers. Tout d’abord, on est amis de l’opposition syrienne, on peut l’amener à la table des négociations en lui demandant de mettre de l’eau dans son vin. Or, quand le Président dit ouvertement qu’il n’y a pas de successeur légitime à Bachar el-Assad, il dit aux cadres de l’opposition qu’ils ne valent rien. Vladimir Poutine en est très content, il va voir Macron et lui dit « pourquoi me parles-tu de l’opposition syrienne ? Tu dis toi-même qu’il n’y en a pas ». On lui a donné une carte sans aucune contrepartie. Ensuite, quand Jean-Yves Le Drian dit, à Hambourg, avec Sergueï Lavrov à ses côtés, que les deux priorités de la France en Syrie sont la lutte contre Daech et la reconstruction, il néglige ce qui doit être la véritable priorité de la France : la transition politique.

Je m’inquiète d’ailleurs de voir l’intensification des échanges entre Français et Russes sur le dossier syrien, au détriment de la relation avec les Américains. Il est vrai que Trump ne sait pas ce qu’il veut faire. Mais nous sommes dans le même bateau qu’eux. Il y a une illusion chez beaucoup d’Occidentaux qui fait de l’échange avec Poutine la solution à tous nos problèmes, comme le dossier iranien par exemple. Poutine n’est pas la Croix Rouge !

Interrogé sur la politique étrangère pendant sa campagne électorale, Emmanuel Macron a dit souhaiter revenir à une « une filiation gaullo-mitterrandienne ou chiraquienne ». Une fois élu, il a exposé en détails une politique étrangère rétive aux aventures militaires et attentive à l’équilibre des puissances. S’agissant des affaires moyen-orientales et de la crise entre l’Iran chiite et l’Arabie saoudite sunnite en particulier, il dit notamment vouloir parler avec tous, sans exclusive. Que pensez-vous de ce positionnement ? Peut-il être efficace ?

Evidemment, il faut parler avec tout le monde. Mais pour dire quoi ? Quand je travaillais auprès d’un homme politique libanais, à l’époque de la tutelle syrienne, on recevait régulièrement des invitations à monter à Damas pour parler avec le régime, alors qu’on était dans l’opposition. Le patron disait : « dois-je y aller ou pas ? ». On lui répondait : « la question n’est pas d’y aller ou pas mais de savoir ce que l’on va dire ». Si on y va pour s’agenouiller devant un maître, alors non, mais si on va dire au régime les choses qui ne vont pas, alors pourquoi pas ? Je ne comprends d’ailleurs pas bien cette idée. C’est comme si les diplomates ne passaient pas leur temps à parler avec tout le monde. C’est comme ce faux-procès intenté à François Hollande. Je sais pertinemment le temps que l’on a perdu à parler avec les Russes, à essayer de savoir ce qu’au fond ils voulaient en Syrie. On n’a obtenu aucune réponse d’eux, on ne sait d’ailleurs toujours pas ce qu’ils veulent. La question n’est pas de savoir si on doit parler avec des adversaires, mais avec quel levier. Dans une négociation, il faut des cartes.

Mais revenons à la notion de « gaullo-mitterrandisme ». D’abord, pour moi, ça ne veut rien dire. Il y a le Gaullisme et le Mitterrandisme. Je ne sais pas ce que De Gaulle aurait fait quand le Mur de Berlin s’est effondré, je ne sais pas plus ce que Mitterrand aurait fait pendant la Crise de Cuba. Ce sont des analogies historiques un peu idiotes. Je ne sais pas non plus ce qu’est la politique arabe de la France. Est-ce être l’ami des dictateurs ? Est-ce vendre des armes à l’Arabie saoudite et l’Egypte ? Est-ce faire fi des mouvements sociaux parce qu’ils font désordre dans le paysage ? Est-ce s’acoquiner avec Saddam Hussein ou Hafez el-Assad en présentant le premier comme le De Gaulle arabe et le second comme le Bismarck arabe ? Alors, je n’en suis pas. Si, par contre, c’est dire que notre proximité géographique et culturelle avec le monde arabe nous donne de meilleurs clés pour le comprendre, dialoguer avec lui, sentir ses mouvements, deviner les aspirations de ses peuples et ses sociétés, alors oui. Mais je ne crois que ce soit ce que l’on met sous l’idée de « gaullo-mitterrandisme ».

Quelle serait concrètement une politique arabe de la France digne de ce nom ? Quels sont les leviers que le gouvernement français peut encore activer pour aider à résoudre les crises de la région ? Y a t-il des outils insuffisamment mobilisés, des pistes insuffisamment creusées ?

Tout d’abord comprendre que le monde arabe n’est pas une entité figée. On ne peut plus continuer à parler du monde arabe comme on en parlait dans les livres de Lacouture ou de Lammens. C’est un monde qui bouge. On a développé suffisamment d’outils conceptuels en France pour comprendre ses évolutions. Par exemple, je n’ai jamais rien compris à l’expression « la rue arabe ». Qu’est-ce que c’est ? Des types qui brûlent des ambassades à cause de caricatures sur les mosquées ? Des gens qui pleurent quand Nasser meurt ? Des types qui se suicident à la mort d’Oum Koulthoum ? Je fais partie de cette « rue arabe » mais quel est mon lien avec un type qui manifeste à Sanaa pour interdire l’alcool ? C’est comme si on disait il y a une « rue européenne », il n’y a pas de forces politiques, pas de Gauche et de Droite, de libéraux et de conservateurs, etc. Il faut sortir de ça et faire de la sociologie.

Deuxièmement, on peut avoir une politique arabe mais elle doit être à la fois vis-à-vis des Etats – et sans concessions à leur sujet, en ayant conscience du fait qu’ils ne sont pas irréprochables, de leurs problèmes et de ceux qu’ils contribuent eux-mêmes à créer – et en dialogue avec les sociétés civiles. Pourquoi a-t-on ce tissu de centres de recherche à l’étranger, que tout le monde nous envie, si ce n’est pas pour parler avec les gens qui sont en dehors du pouvoir ? Si ce n’est pas pour cela, alors fermons-les, ils nous coûtent beaucoup d’argent.

Troisièmement, quels sont nos leviers dans cette région ? Il y a le hard power, la sécurité, mais il y a aussi la proximité culturelle, la langue, les six millions d’Arabes en France, ce trésor « inexploité ». Renforçons les études de la langue arabe et du monde arabe, que les Américains nous envient mais que nous laissons dépérir, en sous-traitant le travail au Maroc et à l’Algérie. Il faut aussi reconnaître que nous sommes aveugles sur certains points, sur lesquels il faut accentuer le travail de recherche : les sociétés du Golfe, l’innovation dans le monde arabe, etc.

Dialoguer avec le monde arabe et musulman impose aussi de sortir de certains prismes et carcans idéologiques français. Toute notre production de sciences sociales, les classiques des années 1960 à 2000, affirmaient que cette région était complètement ossifiée, sclérosée, faisait du surplace. Il y a un moment où les Arabes eux-mêmes ont dit : « ça suffit, nous aussi on veut sortir de ça, les systèmes sont épuisés et on n’en peut plus, il y a une nouvelle génération, on veut devenir normaux, tout simplement ». Les révolutions de 2010-2011 n’étaient pas idéologiques, elles ont été menées par des gens qui disaient « on veut vivre comme des êtres humains, comme des gens normaux ». Il n’y avait plus vraiment de nationalistes arabes. Les islamistes sont venus après. Il faut d’ailleurs aussi régler cette question de l’islamisme, sortir de notre « intégrisme laïcard » vis-à-vis du monde arabe. On ne peut pas considérer que toute religiosité qui s’exprime dans l’espace public est quelque chose d’illégitime. Je ne suis ni musulman ni religieux, mais je sais que ça fonctionne comme cela. Je ne peux pas dire, à chaque fois que quelqu’un a une barbe ou s’appelle Frère musulman, que je ne veux pas de lui dans l’espace public. Ca ne pourra pas marcher.

Il y a de fait une politique arabe de la France à refonder, parce qu’il y a un nouveau monde arabe, et parce qu’on est dans un monde nouveau. Malheureusement, ce n’est pas la direction que l’on prend. Le rapport publié récemment par l’Institut Montaigne et signé par Hakim El Karoui va par exemple dans un sens inverse. En fait, plutôt que du « gaullo-mitterrandisme », on fait du « Villepino-Védrinisme », une version très réductrice et vulgaire. C’est quoi ? Dire qu’on va parler aux barbouzes parce qu’ils maintiennent l’ordre et appeler ça parler aux Arabes ? Parler aux Arabes, c’est le chef de la DGSE parlant au chef des moukhabarat syriens ? Non ce n’est pas ça la politique arabe de la France. Et si c’est ça, on est en train de trop cher payer. Autant faire comme la Hollande et la Pologne, qui n’ont pas de politique arabe.

Cette politique dite réaliste, ou cynique, s’appuie aussi sur un constat assez partagé de la faiblesse au Moyen-Orient des personnalités et mouvements démocrates. L’un de vos compatriotes, l’ancien ministre de la Culture du Liban Ghassan Salamé, a d’ailleurs dirigé au début des années 1990 la rédaction d’un ouvrage fameux sur le monde arabe intitulé « Démocraties sans démocrates ». Où sont les démocrates du Moyen-Orient ?

C’est très cynique en effet. On les connait, on les fréquente tous les jours. Ils sont dans nos centres culturels, dans nos universités. On leur donne des bourses et quand ils doivent retourner chez eux on leur dit d’aller voir le patron, faire comme il dit, ne pas moufter, ne pas respirer. En fait, on les trahit ces gens-là, on leur donne de l’espoir et des raisons de croire qu’on est là pour les aider, mais dès qu’ils commencent à parler, on leur dit « attention, si tu parles, un islamiste va venir derrière toi occuper le paysage, donc ta gueule ! » On leur donne le choix, soit de rester et de devenir les gardes-chiourme du régime autoritaire, soit de revenir en France vivre dans une chambre de bonne dans la misère intellectuelle et morale. Voilà l’avenir que l’on donne aux jeunes Arabes…

Dans la relation que l’on peut tisser entre nos sociétés civiles, voire entre l’Etat français et les sociétés civiles arabes, quels leviers peut-on actionner, au-delà des seuls centres de recherche que vous évoquiez tout à l’heure ? Les Américains ont par exemple un outil comme Freedom House, qui a joué un rôle dans la formation des révolutionnaires arabes…

Le problème c’est que cela a fait les frais du « Bushisme ». Je ne suis pas idéologiquement opposé à l’idée de « Democracy Promotion » même si je ne suis pas « Bushiste » ou néoconservateur. Arrêtons de jouer les hypocrites ! Ce n’est pas pour rien que la France et les Etats-Unis sont les deux seules puissances occidentales qui se considèrent comme messianiques, qui pensent avoir quelque chose à dire au monde. Quand Hubert Védrine dit que le « droit-de-lhommisme » est une invention française stupide, ce n’est pas vrai car la politique française est fondée sur un ensemble de valeurs, la Charte des Droits de l’Homme, les principes républicains, le droit des peuples à l’autodétermination, ça fait partie de notre logiciel. Si ce n’est pas ça, parlons-en ! Ayons un vrai débat intérieur français et redéfinissons ce que nous sommes dans le monde. On ne peut pas non plus devenir la Pologne. On peut, mais alors c’est aux Français de le décider au terme d’un débat qu’ils trancheront.

J’ai parlé des centres de recherche mais au-delà de ça il y a tout un ensemble de choses : un dialogue au quotidien, un dialogue vital, qui comprend le micro-social, etc. On a un tissu de chercheurs qui est extraordinaire car il nous aide à lire le « micro ». On dépense de l’argent pour ça mais, en fait, on n’en fait rien. Quand la décision politique vient, c’est par le haut, à la louche, et on passe à côté. Revenons sur le rapport El Karoui, selon lequel l’ennemi de la France est le salafisme. Il y a quinze livres en France qui expliquent combien le salafisme est complexe. Ca ne veut rien dire « l’ennemi de la France est le salafisme » ! Salafisme djihadiste ? Salafisme scientifique ? Salafisme quiétiste ? La tendance Frères musulmans ? Les Qotbistes ? De quoi parle-t-on ? J’espère que L’Elysée ne va pas bâtir sa politique sur ça. Et puis une fois que l’on a dit ça que fait-on avec l’Arabie saoudite et le Qatar ? Si on est l’ennemi du salafisme, on est donc l’ennemi de ces pays-là. Ca veut dire quoi ? Ce sont des apories intellectuelles.

Plus généralement, je suis sidéré par le hiatus énorme entre cette accumulation de savoir que nous avons du fait de notre passé, de notre école orientaliste qui est une des meilleures au monde, et la pauvreté de la pensée et la décision politiques en France. Qui plus est, ce pays dérive vers le complotisme, commence à croire aux mensonges de Russia Today. Ce qui me fait peur aussi c’est le biais « laïcardo-jacobin » en France qui nous empêche de réfléchir à des situations sociales différentes de la nôtre. L’idée que la Syrie c’est bien car c’est un Etat jacobin, centralisé. Oui, mais à quel prix ? N’était-ce pas au fond un habillage pour permettre à la mafia alaouite de conduire une politique des plus confessionnelles en Syrie ? Il faut être un petit peu plus subtil.

Dans une tribune publiée par le quotidien libanais L’Orient Le Jour en janvier 20175, vous avez demandé, aux côtés de 200 autres personnalités libanaises, l’application complète de l’accord de Taëf de 1989, qui mis fin à la guerre civile libanaise, ce qui suppose notamment la fin du confessionalisme politique au Liban et le monopole de la violence au sein de l’Etat. Au Liban, le pouvoir politique et militaire est en effet partagé selon des lignes confessionnelles, ce qui se traduit notamment par la multiplication de milices à la solde de partis confessionnels. Plusieurs autres pays de la région, en particulier l’Irak et la Syrie, sont aussi gangrénés par la confessionalisation et ce que l’on peut appeler la « milicianisation ». Alors que l’ensemble du Moyen-Orient semble plonger dans la guerre civile, peut-on espérer un nouvel accord de Taëf cette fois pour toute la région ?

En réalité, il faut admettre que Taëf est mort. Il ne faut pas se raconter d’histoires. Quand on dit dans cette tribune qu’il y avait un moment particulier, avec des gens particuliers, comme feu Samir Frangié, l’initiateur de cet accord, un type extraordinaire, un de mes mentors politiques et intellectuels, c’est une sorte de mot de passe. Il s’agit de dire « revenons à l’esprit du Pacte », et « Hezbollah, arrête de penser que tu peux instaurer une hégémonie par la violence physique et verbale ». Ensuite, il faut reconstruire un Etat en jouant sur une ambiguïté présente dans l’accord de Taëf, dans l’article 95, selon lequel il y aura une déconfessionalisation progressive, conduisant à un Etat civil. Je n’y ai jamais vraiment cru mais il était important de redire quel est le contrat social qui nous lie et que si on en sort il n’y a plus rien, à part la loi de la jungle, la loi du plus fort. Le plus fort aujourd’hui c’est le Hezbollah et l’admettre une fois pour toutes c’est la fin du Liban consociatif, convivial. Il ne reste plus grand chose de Taëf et ce qui en reste n’est pas très ragoûtant. Je reconnais que je suis avec d’autres au Liban dans des positions un peu ambiguës, ambivalentes : on sait qu’il faut dépasser Taëf mais le rapport de forces actuel est tel qu’on ne peut pas se mettre autour d’une table pour rouvrir le dossier car on se fera bouffer par les forces de facto. Mieux vaut préserver un acquis imparfait.

Quelles leçons peut-on tirer du « modèle libanais », c’est à dire le Pacte national et Taëf, de sa philosophie, pour un Irak et une Syrie post-guerre ? Je pense qu’on n’y échappera pas. Hier, Jean-Yves Le Drian a dit une chose intéressante en évoquant une Syrie respectueuse du pluralisme communautaire. Je suis sûr que ça va faire hurler beaucoup de Syriens qui n’aiment pas ce genre de choses mais moi ça me parle. J’ai déjà écrit un papier sur « Qu’est-ce qu’un Taëf syrien ? », c’est à dire une reconnaissance, ne serait-ce que de facto, de la diversité du peuple syrien et des garanties non-officielles, non-écrites, données aux groupes ethniques et communautaires (Kurdes, Alaouites, Chrétiens, Druzes, etc.), avec des quotas tacitement sauvegardés, pour un temps au moins. Je crois qu’on n’y échappera pas dans une reconstruction post-guerre, tout comme on n’échappera pas à un degré de territorialisation, c’est à dire de fédéralisation, de décentralisation élargie. Sinon je crois que la guerre est appelée à se poursuivre. Si le régime pense qu’il peut réimposer la chape de plomb d’avant, complètement centralisée, il se fourvoie. D’abord, il n’a plus les ressources. Ensuite, la société syrienne s’est fracturée trop profondément pour pouvoir revenir en arrière.

Pour revenir à notre appel, on en refera sûrement de similaires car il faut toujours rappeler cet héritage, mais il ne faut pas le prendre au pied de la lettre. Ce qui compte ce n’est pas le document lui-même, c’est l’esprit de Taëf. Gardons ce qui peut encore être sauvé du consociativisme libanais.

Mais ce système consociatif libanais a déjà en partie été appliqué en Irak, avec le succès que l’on connait…

Ce n’est pas lui qui a été appliqué en Irak ! Ce qui y a été appliqué est une sorte de fédéralisme ou de confédéralisme qui ne dit pas son nom, avec le mauvais aspect du système libanais qui est la distribution des prébendes. C’est ça qu’il faut éviter. C’est d’ailleurs exactement ce qu’il fallait éviter qu’on a pris.

Quelle est l’alternative à ce partage des prébendes comme vous dites, ce partage du pouvoir selon les lignes confessionnelles ?

L’alternative théorique, idéelle, c’est d’arriver à une société civile aconfessionnelle. Mais là on revient à l’angélisme asociologique et ahistorique. On y arrivera, mais avec beaucoup de développements. Ce n’est pas pour demain. Ce n’est pas pour après la guerre. Le corps n’est pas réactif à l’application de ce genre de remède. Je ne pense pas que ce soit cette voie-là que l’on puisse prendre aujourd’hui. Cette voie-là a produit dans la région des systèmes autoritaires, elle n’est donc plus applicable par définition. Il faut être plus modeste et un peu plus fataliste. Il faut admettre qu’il n’y a pas de solution satisfaisante à court terme et peut-être à long terme dans cette région. Mais c’est entre ça et la guerre perpétuelle, entre Hobbes, l’état de nature, et ce genre d’arrangement.

C’est d’ailleurs un champ où l’Occident proche, l’Europe, qui connaît l’intimité de cette région, peut avoir des conseils à donner, en disant « attention les gars, soyez progressifs, chez nous ça a pris 40 ans pour arriver à quelque chose ». Les Américains sont moins outillés que nous, ils arrivent avec leurs gros sabots, leurs manuels. Mais nous ne savons plus faire du « micro », on n’en a plus la force, plus le souffle, plus l’envie, parce qu’on est obnubilés par les barbus, à cause des attentats à Paris. Je le comprends, ça fait peur, mais il faut continuer à réfléchir en même temps.

Une conclusion positive à un tel constat est-elle possible ?

Ce n’est peut-être pas entièrement positif mais je crois qu’on est très loin d’avoir fini cette période des révolutions arabes. Nous sommes dans un reflux énorme, effrayant, mais c’est une séquence ouverte, qui va être très longue, pas du tout linéaire, pas du tout prédéterminée. Il y a encore beaucoup de libéraux et de progressistes dans le monde arabe qui attendent, qui ont peur, qui souffrent, qui sont amers, qui n’ont pas les moyens de partir et qui, ayant vu comment l’Occident leur a, au fond, tourné le dos, ne sont plus tellement obnubilés par ce modèle. Ils réfléchissent à leurs propres recettes à leur sortie du malheur, pour reprendre le titre du livre de Samir Kassir, Considération sur le malheur arabe. L’avenir n’est pas fermé, l’histoire n’est pas finie.


Emmanuel Macron et la Syrie, morceaux choisis tirés d’un entretien avec 8 titres de presse européenne, 21 juin 20176

« (…) Et il y a la Syrie. Sur ce sujet, ma conviction profonde, c’est qu’il faut une feuille de route diplomatique et politique. On ne réglera pas la question uniquement avec un dispositif militaire. C’est l’erreur que nous avons collectivement commise. Le vrai aggiornamento que j’ai fait à ce sujet, c’est que je n’ai pas énoncé que la destitution de Bachar el-Assad était un préalable à tout. Car personne ne m’a présenté son successeur légitime ! Sur la Syrie, mes lignes sont claires. Un : la lutte absolue contre tous les groupes terroristes. Ce sont eux, nos ennemis. C’est dans cette région qu’ont été fomentés des attentats terroristes et que se nourrit l’un des foyers du terrorisme islamiste. Nous avons besoin de la coopération de tous pour les éradiquer, en particulier de la Russie. Deux : la stabilité de la Syrie, car je ne veux pas d’un Etat failli. Avec moi, ce sera la fin d’une forme de néoconservatisme importée en France depuis dix ans. La démocratie ne se fait pas depuis l’extérieur à l’insu des peuples. La France n’a pas participé à la guerre en Irak et elle a eu raison. Et elle a eu tort de faire la guerre de cette manière en Libye. Quel fut le résultat de ces interventions ? Des Etats faillis dans lesquels prospèrent les groupes terroristes. Je ne veux pas de cela en Syrie. Trois : j’ai deux lignes rouges, les armes chimiques et l’accès humanitaire. Je l’ai dit très clairement à Vladimir Poutine, je serai intraitable sur ces sujets. Et donc l’utilisation d’armes chimiques donnera lieu à des répliques, y compris de la France seule. La France sera d’ailleurs à cet égard parfaitement alignée avec les Etats-Unis. Quatre : je veux une stabilité syrienne à moyen terme. Cela veut dire un respect des minorités. Il faut trouver les voies et moyens d’une initiative diplomatique qui fasse respecter ces quatre grands principes. (…) Quand je parle de dialogue franc avec Vladimir Poutine, je ne dis pas qu’il est miraculeux. Qu’est-ce qui motive Vladimir Poutine ? C’est de restaurer un imaginaire russe puissant pour tenir son pays. La Russie elle-même est victime du terrorisme. Il a lui-même à ses frontières des rébellions et des identités religieuses violentes qui menacent son pays. Tel est son fil directeur, y compris en Syrie. Je ne crois pas qu’il ait une amitié indéfectible à l’égard de Bachar el-Assad. Il a deux obsessions : combattre le terrorisme et éviter l’Etat failli. C’est pour cela que sur la Syrie des convergences apparaissent. Longtemps nous avons été bloqués sur la personne de Bachar el-Assad. Mais Bachar, ce n’est pas notre ennemi, c’est l’ennemi du peuple syrien. L’objectif de Vladimir Poutine, c’est de restaurer la Grande Russie, parce que c’est selon lui la condition de survie de son pays. Est-ce qu’il cherche notre affaiblissement ou notre disparition ? Je ne le crois pas. Vladimir Poutine a sa lecture du monde. Il pense que la Syrie est une question de voisinage fondamental pour lui. Que peut-on faire ? Réussir à travailler ensemble sur la Syrie pour lutter contre le terrorisme et déboucher sur une vraie sortie de crise. Je pense que c’est faisable. Je continuerai à être un interlocuteur très exigeant en matière de libertés individuelles et de droits fondamentaux. Ce qui est sûr, c’est que nous avons un devoir : la protection de l’Europe et de ses alliés dans la région. Là-dessus, nous ne devons rien céder. »


Pierre-André HERVÉ est cofondateur et Président du Cercle Agénor. Consultant indépendant spécialisé en gestion des risques internationaux (Moyen-Orient, en particulier), il rédige par ailleurs une thèse de doctorat à l’Ecole Pratique des Hautes Etudes (EPHE) sur l'histoire du confessionnalisme politique au Liban. Diplômé de l’université Paris I Panthéon-Sorbonne (géographie, 2010) et de SciencesPo (sécurité internationale, 2013), il a occupé diverses fonctions dans les secteurs public et privé. En 2017 et 2018, il était conseiller sur les affaires étrangères et la défense du groupe MoDem à l'Assemblée Nationale.

Notes

  1. Tribune : « Monsieur le Président, maintenir Assad, c’est soutenir le terrorisme »,
    Libération, 2 juillet 2017. URL : http://www.liberation.fr/debats/2017/07/02/monsieur-lepresident-maintenir-assad-c-est-soutenir-le-terrorisme_1581057
  2. Cf. infra, « Emmanuel Macron et la Syrie : morçeaux choisis »
  3. « Interpellation sur la Syrie des candidats à l’élection présidentielle d’avril 2017 », Collectif pour une Syrie libre et démocratique, 15 mars 2017. URL: https://souriahouria.com/wpcontent/uploads/2017/04/170404_Reponses_Questionnaire_Collectif_PSLD_Syrie_E.Macron.pdf
  4. Tribune : « Diplomatie : la politique étrangère de la France n’est pas « néoconservatrice » », Le Monde, 3 juillet 2017. URL : http://www.lemonde.fr/idees/article/2017/07/03/diplomatie-la-politique-etrangere-dela-france-n-est-pas-neoconservatrice_5154914_3232.html
  5. « Appel de 200 personnalités en faveur du monopole de la violence légitime et d’un Parlement élu sur des bases non confessionnelles », L’Orient Le Jour, 2 février 2017. URL : https://www.lorientlejour.com/article/1032873/appel-de-200-personnalites-en-faveurdu-monopole-de-la-violence-legitime-et-dun-parlement-elu-sur-des-bases-nonconfessionnelles.html
  6. Richard Werly, « Emmanuel Macron: « L’Europe n’est pas un supermarché. L’Europe est un destin commun » », Le Temps, 21 juin 2017. URL : https://www.letemps.ch/monde/emmanuel-macron-leurope-nest-un-supermarche-leurope-un-destin-commun

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