Le cercle centriste de réflexion et de propositions sur les enjeux internationaux

La diplomatie n’est pas une affaire étrangère : le ministère des Affaires de moins en moins étrangères !

Lors d’une élection présidentielle, les Français recherchent spontanément un homme d’État capable d’incarner la France sur la scène internationale ; pour autant, minoritaires sont ceux qui s’intéressent au programme de politique extérieure d’un impétrant à la magistrature suprême pour en juger la candidature.

Il s’agit là d’un paradoxe que l’on doit interroger. Nous savons que les événements diplomatiques feront l’histoire à défaut de faire les gros titres ; malgré cela, l’actualité quotidienne délaisse l’analyse géopolitique. Rares sont les moments de mise en perspective géographique ou historique. C’est une carence importante à l’heure de la globalisation : peut-on imaginer, aujourd’hui, un citoyen se faire une opinion politique sans intégrer, dans son raisonnement, une compréhension fine des phénomènes transnationaux ? La réponse est clairement non. L’institut Open Diplomacy a mis en exergue, lors d’une étude conduite avec OpinionWay en 2013, que ce risque de confusion amène 52 % des Français à estimer que « la politique n’a plus de sens à l’heure de la mondialisation » ; 72 % attendent que même la politique prenne la forme de nouveaux mouvements citoyens transnationaux. Cette nouvelle forme de citoyenneté a une conséquence immédiate : la diplomatie n’est plus une « affaire étrangère », mais le prolongement de toute politique publique. La nouvelle mode veut que tout nouveau ministre des Affaires étrangères soit un ancien chef du gouvernement car il faut cette stature pour diriger les ambassades. Le corollaire administratif est visible dans tous les ministères et les collectivités territoriales : l’action publique a constamment besoin d’être accompagnée par une direction des affaires internationales et européennes.

Une nouvelle forme de citoyenneté

La COP21, qui s’est déroulée à Paris du 30 novembre au 12 décembre 2015, est un cas d’école de ce nouveau rapport du citoyen à l’international. L’institut Open Diplomacy a mesuré, dans une étude conduite avec OpinionWay en novembre 2015, que la lutte contre le changement climatique était une urgence absolue pour 28 % des Français et que 41 % d’entre eux exigeaient plus d’attention des responsables politiques face à ce problème. Avec l’opinion au rendez-vous des accords de Paris, nous tenons un exemple de politique publique qui relie directement les 36 000 maires français au ministre des Affaires étrangères : des communes aux ambassades, la lutte contre le changement climatique est un sujet sans discontinuité, qui s’installe à tous les échelons de l’action administrative.

La diplomatie publique

Les Nations unies l’ont compris depuis longtemps, instaurant les « groupes majeurs » de consultation de la société civile, ces points de connexion par lesquels la conférence des parties à la Convention cadre des Nations unies sur le changement climatique, dite COP, interagit avec les organisations non gouvernementales, les entreprises, les organismes de jeunesse, etc. La diplomatie moderne n’est donc pas une diplomatie restreinte aux corridors des chancelleries, mais est ouverte sur la société : on parle de « diplomatie publique » pour caractériser cette politique étrangère qui réunit autant de chefs d’entreprise que d’ambassadeurs, autant de citoyens que de délégués, autant de militants que de négociateurs lors d’une grande conférence internationale. Avec la Conference of Youth et le Climate and Business Summit, Paris Climat 2015 a été à la pointe de cette diplomatie inclusive malgré les événements tragiques du 13 novembre1. La diplomatie française a montré tout son savoir-faire en arrachant un accord international universel et ambitieux, mais aussi en excellant dans l’exercice de la diplomatie publique.

Comme ses grands homologues internationaux, le ministère des Affaires étrangères s’engage dans la recherche de tous les contacts possibles avec la société civile. Cela était déjà visible lors de la présidence française du G20 qui a vu naître, en 2011, de nombreux espaces de consultation avec le patronat (Business20 ou B20), les syndicats (Labor20 ou L20) ou la jeunesse (Youth20 ou Y20).

Au quotidien, cela se traduit par une nouvelle façon de structurer le ministère des Affaires étrangères : un Quai d’Orsay qui fait littéralement portes ouvertes (lors de la Semaine des ambassadeurs notamment), un porte-parolat qui sort des conférences de presse pour aller directement à la rencontre du public, des ambassadeurs, non plus seulement « de France », mais aussi « des régions de France », des élus des Français de l’étranger directement en lien avec les services consulaires et une diplomatie économique organisée autour des grands champions industriels… Tout comme il s’étend sur l’Internet par la diplomatie digitale, l’appareil international de l’Etat se déploie pour être un « prolongement de la politique par d’autres moyens », pour paraphraser Clausewitz.

De cette continuité entre la politique intérieure et la politique extérieure naît un besoin : en plus d’avoir une formation initiale ouverte sur le monde, par l’apprentissage des langues comme des humanités, les Français ont besoin de renforcer l’exercice de leur citoyenneté grâce à l’éducation populaire sur les enjeux internationaux. Il est vital de permettre à chacun de s’approprier les affaires étrangères au XXIe siècle : aujourd’hui, lorsque l’on vote pour son futur président de la République comme pour ses conseillers régionaux, il faut avoir une « certaine idée de la France », ce qui suppose d’avoir une petite idée du monde qui l’entoure. L’école de la République, comme tous les acteurs qui aiguisent l’esprit critique de nos concitoyens, se doit donc de repousser la frontière de ses réflexions. Par chance, l’universalisme est l’une des caractéristiques notoires du mindset français.*

*Cet article est également publié dans le numéro 62, daté de juillet 2016, de la revue France Forum, publiée par l’Institut Jean Lecanuet.

Crédits photographiques (Siège du Ministère des Affaires étrangères, à Paris, le 14 avril 2016) : Ministère des Affaires étrangères et du Développement international / Bruno Chapiron


Thomas Friang

Thomas FRIANG a fondé en 2010 et dirige depuis lors l’Institut Open Diplomacy qui l’a amené à présider le premier G20 des jeunes en 2011. Il a également été président des Jeunes Démocrates. Thomas est diplômé d’ESCP Europe (management) et de l’ENS Ulm (économie et droit public).

Notes

  1. Le 13 novembre 2015, une série d’attentats a été perpétrée à Paris.

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