(Propos recueillis le 2 juillet 2022 par Marie-Sixte Imbert, dans le cadre du cycle de réflexion du Cercle Agénor sur la géo-politique des frontières européennes, et reproduits dans le numéro de mai 2023 de la revue du Cercle)
La « frontière orientale » de l’UE doit être regardée à plusieurs échelles. A l’échelle continentale, elle est devenue une ligne de partage ou de fracture du continent. A l’échelle régionale, elle est provisoire car elle est le résultat d‘élargissements successifs. La candidature de l’Ukraine et de la Moldavie, voisins immédiats de l’UE, a ainsi été validée par le Sommet européen de juin 2022. Quoique non limitrophe de l’UE, la Géorgie a elle aussi déposé sa candidature. On distingue deux tronçons distincts de cette frontière. De la Finlande à la Lettonie, c’est la frontière immédiate avec la Russie, un espace où la frontière est perçue comme définitive dans la mesure où elle correspond aux frontières de la Russie et de l’UE. Plus au sud en revanche, de la Lettonie à la Roumanie, l’espace frontalier est une zone de divergences. Avant même que l’Ukraine ne dépose sa candidature, le rapprochement avec l’UE avait été amorcé dans le cadre du partenariat oriental de l’UE et des Etats européens comme la Pologne et la Roumanie voyaient plutôt d’un bon œil ce processus. La Biélorussie n’est quant à elle pas candidate et ne répondrait d’ailleurs pas actuellement à l’ensemble des critères nécessaires à ce statut, notamment concernant le respect des droits de l’Homme, mais elle le pourrait tout à fait en se réformant et en faisant le choix géopolitique et stratégique de se rapprocher de l’UE. L’espace qui s’étend de la Baltique à la Mer Noire est historiquement une zone de brassages et de contact entre les grands empires qui se sont succédé sur le continent, de l’Empire austro-hongrois à l’Empire russe en passant par la République des Deux-Nations et l’Empire ottoman. Ces confins d’empires ont émergé tardivement en tant que nations et Etats, depuis l’éclatement de l’URSS en 1991 ; ce sont des Etats jeunes et fragiles car nés de la dislocation de l’Union soviétique plutôt que de processus internes. Leurs frontières sont d’ailleurs un héritage soviétique, elles n’ont pas été tracées à la suite de l’affirmation de nations, de conflits et d’accords entre Etats comme en Europe de l’Ouest. Ce sont des frontières héritées que l’on a décidé de respecter, au moins jusqu’en 2014.
Crédits cartographiques : Pascal Orcier, 2022
Pascal Orcier est professeur agrégé et docteur en géographie, ancien élève de l’Ecole normale supérieure de Lyon. Enseignant en classes européennes au lycée Beaussier de la Seyne sur Mer (Var), il a également enseigné à l’université Jean Moulin Lyon 3 et en classes préparatoires au lycée Stanislas de Cannes. Cartographe, formateur académique, il a participé à de nombreux ouvrages de géopolitique et manuels scolaires. Spécialiste des pays baltes, en particulier de la Lettonie, Pascal a aussi travaillé sur d’autres régions dont la Méditerranée et le Moyen-Orient. Il est notamment l’auteur d’un Atlas du Moyen-Orient, paru en 2020.
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Pascal Orcierhttps://www.cercle-agenor.org/author/pascal-orcier/23 mai 2023