Le cercle centriste de réflexion et de propositions sur les enjeux internationaux

La relation économique franco-chinoise : un devoir d’exigence envers un partenaire incontournable

Les relations franco-chinoises sont importantes et anciennes puisque le général de Gaulle, dès le 27 janvier 1964, avait décidé d’établir des relations diplomatiques avec la Chine communiste. A l’époque, cette reconnaissance politique inédite s’inscrivait dans une vision originale du monde, par laquelle, le président français réaffirmait l’indépendance des peuples, c’est-à-dire le refus d’une domination de la France par le bloc occidental, et de celle de Pékin par le bloc soviétique. Les données de cette relation franco-chinoise ont beaucoup changé depuis. La Chine est devenue une puissance économique de tout premier plan et le premier partenaire commercial de l’Union Européenne (UE) pour les importations de biens. Parallèlement, on perçoit une tension croissante autour des investissements chinois en Europe, qui n’épargne pas la France.

La relation avec la Chine est un dossier de court, moyen et long terme1. A court terme, la crise avec la Corée du Nord menace les équilibres stratégiques globaux. A moyen terme, il faut à la fois continuer d’attirer des capitaux chinois et des touristes chinois, tout en prônant une réciprocité sur les investissements européens en Chine. A long terme, la France doit trouver une réponse à la montée en puissance militaire de Pékin, ainsi qu’à l’intensification de ses projets de routes de la soie2. Néanmoins, le Président de la République française, après une période de tension diplomatique au cours de l’été 2017 entre les États-Unis et la Corée du Nord, a appelé « à la responsabilité de tous et à prévenir toute escalade des tensions ». Avant lui, le président chinois Xi Jinping a également appelé à cette même retenue3.

C’est dans cette perspective qu’il apparaît légitime de se questionner sur le nouvel enjeu économique relatif aux relations que peuvent entretenir aujourd’hui la France ou plus largement l’UE avec la Chine. Actuellement, il existe un partenariat financier incontournable (I) qui rend nécessaire l’exigence permettant la prospérité dans le domaine des affaires (II) entre la France et la Chine.

Une relation économique France-Chine incontournable dans le domaine financier

RMB offshore – Dans le cadre du mouvement lié à l’internationalisation du Renminbi (RMB) qui est la monnaie chinoise de référence, la Chine a décidé de mettre en place des centres de change à l’étranger par le biais de l’implantation de la Bank of China qui sera chargée de réaliser les compensations. Il s’agit d’un événement particulièrement important sur la voie de la normalisation de l’économie chinoise dans le monde qu’il convient d’encourager.

Paris-Europlace – La France avec Paris devient progressivement le principal centre du RMB offshore dans la zone euro4. En effet, Paris EUROPLACE s’est engagée de manière très active, depuis 2010, afin de contribuer à ce mouvement d’internationalisation en mettant en place des mécanismes d’accompagnement pour les entreprises françaises ou européennes qui développent des transactions commerciales avec la Chine. Par ailleurs, Paris EUROPLACE accélère son action pour conforter son rôle de plaque tournante des transactions commerciales et financières en RMB, non seulement pour l’Europe continentale, mais également dans les relations entre la Chine et l’Afrique. À côté de cette action ciblée sur le RMB, la Place de Paris développe des coopérations soutenues avec les places financières chinoises telles que la National Association of Financial Markets Institutional Investors (NAFMII) pour accompagner les développements du marché obligataire chinois, en forte croissance, mais aussi avec la Municipalité de Shanghai pour développer la présence des banques et entreprises financières françaises en Chine et accueillir l’activité des entreprises et investisseurs chinois en France. En septembre 2016, un accord de partenariat est conclu avec Chongqing Financial Development Service Center (CQFDSC).

Brexit et City – L’histoire de l’Union européenne a été jalonnée de crises institutionnelles. Le Brexit du 23 juin 2016, qui a vu les électeurs britanniques choisir la sortie de l’UE à 52% des suffrages exprimés, en constitue une parfaite illustration. Mais la qualité première de l’UE est de pouvoir dépasser ces crises et en ressortir renforcée. La City de Londres qui est un centre financier très important est impactée par cette décision. Il n’est pas impossible que des acteurs du secteur travaillant sur le marché de l’UE souhaitent vouloir rester dans la zone UE et se délocaliser sur d’autres places financières. Paris EUROPLACE constitue, avec son hub de change en RMB, une place de choix pour tous les acteurs chinois. Cette situation ne peut pas être déconnectée des investissements directs étrangers (IDE) potentiels venant de la Chine favorisant les partenariats nécessaires au monde des affaires.

Une relation économique exigeante dans le domaine des affaires

L’entreprise – Il existe déjà des synergies au sein de certaines sociétés françaises dans lesquelles un acteur chinois est entré dans le capital. L’exemple de PSA est emblématique dans la mesure où l’État français et le groupe chinois Dongfeng sont tous les deux des actionnaires de référence. Cette participation d’un investisseur chinois a permis au groupe PSA de négocier le rapprochement avec le constructeur allemand Opel5. D’autres exemples existent tels que le dossier Alstom et la restructuration de la filière électronucléaire française qui ont fait l’objet de discussion entre les différents partenaires français et chinois. Néanmoins, la Chine a annoncé la réduction de ses investissements dans des secteurs que le pouvoir juge « irrationnels », comme les clubs sportifs, le divertissement ou encore l’hôtellerie6 tandis que l’UE voudrait pouvoir mieux bloquer les OPA (Offre publique d’achat) étrangères7. Cette situation d’équilibre est difficile car elle ne permet pas de poser les fondations d’un véritable partenariat gagnant-gagnant entre l’UE et la Chine. Par ailleurs, il est important que ces négociations soient transparentes permettant l’adhésion d’une majorité de citoyens européens. L’amélioration de la vie des entreprises par un nouvel accord d’investissement n’est pas l’unique levier assurant la prospérité économique.

Le transport – L’amélioration de l’offre de transport permet de faciliter l’activité des entreprises. Entre la France et la Chine, ces entreprises bénéficient d’une offre complète leur permettant de choisir différents types de transport tels que l’aérien, le ferroviaire ou le maritime afin d’acheminer leurs marchandises et de répondre à leurs besoins. L’avantage de l’aérien est sa rapidité car la durée de transport est comprise entre 1 à 3 jours pour relier les 8 964 km séparant la France de la Chine, mais le prix de ce transport reste très élevé. Pour le transport à bas coût, il y a les porte-conteneurs qui vont emprunter les voies maritimes et couvrir une distance de 20 459 km en 2 mois. Récemment, l’offre de transport a été complétée par une solution intermédiaire qui peut avoir au final les faveurs des entreprises, par exemple la nouvelle ligne Lyon-Wuhan8 qui s’étend sur 11 300 km passant par Duisbourg (Allemagne), Rybnoe (Russie), Astana (Kazakhstan) et Alashankou (Chine) pour une durée de 15 jours. En dehors des fabricants automobiles (PSA et Renault), Carrefour, Keolis, EDF, Suez, Air liquide et Sanofi sont également présents à Wuhan et peuvent bénéficier de ce nouveau moyen de transport afin d’acheminer des pièces détachées par exemple. Concernant le prix du fret, il est moyen car un même conteneur coûte 3 750 $ dans le sens Lyon-Wuhan et 5 350 $ dans le sens Wuhan-Lyon.

Conclusion

Un enjeu majeur pour la relation entre Pékin et ses partenaires internationaux est le passage de la Chine du statut d’économie non marchande à celui d’économie de marché. Au moment de l’adhésion de la Chine à l’OMC (Organisation Mondiale du Commerce) en 2001, les négociateurs chinois ont souhaité insérer une clause permettant d’obtenir le statut d’économie de marché 15 ans après la signature de l’accord9. L’octroi du statut d’économie de marché permettrait à la Chine d’échapper aux procédures anti-dumping et anti-subvention dont la mise en œuvre deviendrait particulièrement difficile pour les pays s’estimant victimes de concurrence déloyale. Les États-Unis ont décidé de refuser l’octroi de ce statut en estimant qu’il n’est pas automatique. La réaction de l’UE est plus mesurée, dans la mesure où elle a procédé différemment en proposant un compromis à la Chine. Ce compromis se situe entre une ouverture totale du marché et une régulation protectionniste. L’UE souhaite en réalité renforcer de manière générale sa capacité de se protéger en cas de dumping avéré afin d’en finir avec une certaine naïveté européenne10. D’ailleurs depuis 2001, de nombreux conflits entre l’UE et la Chine sont intervenus dans divers domaines tels que les panneaux photovoltaïques, le textile ou encore l’acier. Les pays de l’UE souhaitent un rééquilibrage dans la balance commerciale des produits importés et exportés entre l’UE et la Chine. Autrement dit, le marché chinois doit s’ouvrir davantage à l’importation de produits français ou plus largement issus de l’UE.

En outre, l’accord de libre-échange entre l’UE et le Canada (CETA) ayant été adopté le 15 février dernier par le Parlement européen, certains s’interrogent sur l’opportunité d’un tel accord entre l’UE et la Chine11. D’autres personnes estiment que la protection des emplois et du mode de vie européen doit être une priorité et que l’UE doit se doter d’un dispositif de défense commerciale efficace avec par exemple des règles antidumping exigeantes12. Ainsi, il peut apparaître comme audacieux et risqué de vouloir proposer la réalisation d’un tel accord de libre-échange entre l’UE et la Chine. En raison des critiques formulées autour du CETA, la transparence des décisions et l’implication des Européens dans le processus de négociation deviennent une exigence. Enfin, comme dans tout accord, il convient d’avoir des exigences fermes et sérieuses à formuler afin d’aboutir à un accord acceptable entre les deux parties13.

Crédits photographiques (photo du porte-conteneurs chinois CSCL Globe) : Keith Skipper


Chang hua PENG est cofondateur et Trésorier du Cercle Agénor. Il est avocat au barreau de Paris. Docteur en droit de l’université Paris I Panthéon-Sorbonne, auteur d'une thèse de droit comparé français-chinois consacrée aux transports maritimes, il enseigne à l'Ecole de droit et à l'Ecole de management de la Sorbonne. En 2020, il a été élu conseiller municipal du XIIIème arrondissement de Paris.

Notes

  1. « Macron en politique étrangère : « Bon début mais attention aux excès de confiance » », propos de Thomas Gomart, directeur de l’Institut Français des Relations Internationales, recueillis par Justine Benoit, 19 août 2017, L’Obs, URL : http://tempsreel.nouvelobs.com/monde/20170816.OBS3420/macron-en-politiqueetrangere-bon-debut-mais-attention-aux-exces-de-confiance.html
  2. Pierre Haski, « Comment la Chine transforme la mondialisation », L’Obs, 27 mai 2017. URL : http://tempsreel.nouvelobs.com/chroniques/20170524.OBS9848/comment-la-chinetransforme-la-mondialisation.html
  3. Gaël Vaillant, « Corée du Nord-Etats-Unis : après la Chine, Macron prévient contre « toute escalade des tensions » », JDD, 12 août 2017. URL : https://www.lejdd.fr/International/coree-du-nord-etats-unis-apres-la-chine-macron-previent-contre-toute-escalade-des-tensions-3409724
  4. Voir : http://www.paris-europlace.com/fr/nos-priorites/marche-du-renminbi
  5. Maxime Amiot et Julien Dupont-Calbo, « PSA-Opel : dernière ligne droite pour les négociations », Les Echos, 22 février 2017. URL : http://www.lesechos.fr/industrieservices/automobile/0211821495553-psa-opel-letat-francais-et-dongfeng-soutiennent-leprojet-dalliance-2067018.php
  6. Myriam Chauvot, « Tour de vis chinois contre les investissements à l’étranger », Les Echos, 22 août 2017. URL : https://www.lesechos.fr/industrie-services/immobilierbtp/030501790111-tour-de-vis-chinois-contre-les-investissements-a-letranger-2108784.php
  7. « France, Allemagne et Italie voudraient pouvoir mieux bloquer les OPA étrangères », La Tribune, 22 août 2017. URL : http://www.latribune.fr/economie/union-europeenne/franceallemagne-et-italie-voudraient-mieux-pouvoir-bloquer-les-opa-etrangeres-747615.html
  8. Matthieu Pelloli, « Les entreprises qui aiment la Chine prendront le train », Le Parisien, 26 février 2017. URL : https://www.leparisien.fr/economie/les-entreprises-qui-aiment-la-chine-prendront-le-train-26-02-2017-6712146.php
  9. Le paragraphe D de la section 15, qui prévoit qu’en 2016 au plus tard, le statut d’économie de marché est susceptible d’être accordé à la Chine sans pour autant en préciser les modalités.
  10. « L’Union européenne doit sortir de sa servitude volontaire vis-à-vis des Etats-Unis », propos de Matthias Fekl, Secrétaire d’Etat en charge du commerce extérieur, La Tribune, 5 février 2017. URL : https://www.latribune.fr/economie/france/l-union-europeenne-doit-sortir-de-sa-servitude-volontaire-vis-a-vis-des-etats-unis-matthias-fekl-636040.html
  11. Sébastien Jean, « Faut-il négocier un accord de libre-échange entre l’UE et la Chine ? », La Tribune, 9 avril 2014. URL : http://www.latribune.fr/opinions/tribunes/20140409trib000824608/faut-il-negocierun-accord-de-libre-echange-entre-l-ue-et-la-chine-.html
  12. Position exprimée publiquement sur Itele par l’eurodéputée ADLE Mme Marielle de
    Sarnez, qui a motivé son abstention sur le vote du CETA le 15 février 2017.
  13. Steffen Stierle, « L’UE s’embarque dans de nouveaux accords de libre-échange », EURACTIV.de with Reuters, 22 août 2017. URL : http://www.euractiv.fr/section/commerceindustrie/news/eu-prepares-for-busy-trade-talks-agenda/

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